Script « Sexe et biomédecine #3 : En finir avec le sexe »

Introduction

      Aujourd’hui dans Game of Hearth, on poursuit notre série de trois audios sur le concept de sexe dans les sciences biomédicales : bienvenue dans le troisième et dernier épisode, épisode dans lequel on tentera d’envisager le concept de « sexe » comme étant superflu au sein des sciences biomédicales, inadéquat à la production de nouveaux savoirs. J’insiste sur le cadre que je me donne ici : je parle uniquement des sciences biomédicales. Pour d’autres disciplines scientifiques ou dans certains contextes militants, il est possible que le concept de sexe puisse être utile, mais ça n’est pas le sujet et je n’aborderai pas la question.

     Mais revenons un peu en arrière, histoire de nous remettre un peu dans le bain. Dans le précédent audio, nous avons passé en revue un article de Nancy Krieger et quelques articles qui reprennent son orientation en la développant et en la précisant. Nous avions noté que tous insistent sur la nécessité de conserver la dichotomie sexe/genre. Mais force a été de constater que les deux concepts et les deux types de phénomènes qu’ils impliquent sont présentés comme étant inséparables, si ce n’est, en réalité, indiscernables. Le sexe semble difficile à circonscrire au point qu’il est à peine défini, et qu’il est présenté comme étant toujours déjà pris dans des dynamiques genrées.

     Quand on y regard de plus près, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’y a pas, dans les sciences biomédicales, de définition unitaire du sexe. Il apparaît comme un ensemble toujours en construction de variables, de modèles visant à désigner une portion du substrat biologique d’un individu, une partie dont on ne perçoit pas l’unité et les limites.

     À titre d’exemple de cette fragmentation et de ce flou autour du concept de « sexe », on mentionnera l’article de 2012 par Sharman et Johnson, “Towards the inclusion of gender and sex in health research and funding: An institutional perspective” (Sharman et Johnson 2012). Dans ce commentaire, les chercheuses de l’Institute of Gender and Health du Canada expliquent que, pour favoriser la recherche en santé incluant les phénomènes du sexe et du genre, l’Institut n’impose pas de définition de ces termes dans leurs conditions d’accès aux financements de recherche, mais qu’il demandait :

« de plus en plus aux chercheurs et chercheuses de définir explicitement ce que eux et elles veulent dire en utilisant les termes « sexe » et/ou « genre » dans leurs formulaires de candidature aux financements, et comment ces définitions sont opérationnalisées »

     Le sexe, comme le genre, semble définitivement relatif : c’est une question de cadrage qui ne peut être explicité que par rapport à un contexte donné – en l’occurrence celui d’une étude, des questions qu’elle pose, de sa méthodologie. On est loin, très loin du donné pré-existant qui pourrait être le support de production de variables stables entrant en interaction avec les variables instables et changeantes du genre. À chaque nouveau problème ses définitions, ses objets, ses outils pour parler du « sexe », si bien qu’on peut se demander si ce concept n’est pas finalement inutile, source de confusion et non pas outil pratique. Après tout, si le sexe est toujours déjà genré, fondamentalement environnemental, si ses limites dans le corps sont impossibles à définir sauf à tomber dans le réductionnisme douteux des mâles et des femelles, ne pourrait-on pas s’en tenir au concept de genre et se débarrasser du concept de sexe ?

Segment ½ : Le sexe est mort, vive le genre ?

     Pour certains·es chercheurs·ses, le concept de sexe porte plus à confusion qu’autre chose et il ne devrait jamais être utilisé seul. C’est notamment le cas de Springer et al. dans leur article de 2012 “Beyond a catalogue of differences: A theoretical frame and good practice guidelines for researching sex/gender in human health” (Springer, Mager Stellman, et Jordan-Young 2012). Par exemple l’article suggère que l’on pourrait utiliser, à la place du terme « sexe », le terme composé « sexe/genre » qui explicite bien le fait que la biologie d’un individu, jusque dans la biologie de ses traits dits « sexués », est toujours déjà marquée par le phénomène social du genre. D’autre part, affirment les contributeurices, si les sciences biomédicales consistent à étudier des mécanismes biologiques pour comprendre les causes des maladies et comment mieux s’en prémunir, il faut bien noter que « le sexe » n’est pas un mécanisme. Iels défendent alors la thèse suivante :

« Les études dans lesquelles le sexe a été utilisé comme un proxy pour des mesures plus spécifiques ne peuvent être considérées que comme suggestives, et dans la mesure du possible elles devraient être évitées. »

     Iels donnent pour exemple du caractère problématique et dispensable de la variable de « sexe » l’étude des différences de santé cardiovasculaire entre individus. Si on a noté à l’égard de la santé cardiovasculaire une différence de mortalité entre hommes et femmes cisgenres, cette différence est liée à une variation du type de stockage des graisses : les femmes cisgenres pré-ménopause ont tendance à développer un stockage périphérique des graisses, tandis que les hommes cisgenres et les femmes cisgenres post-ménopause ont plutôt tendance à développer un stockage abdominal des graisses. C’est le stockage abdominal des graisses qui est plus particulièrement associé aux accidents vasculaires-cérébraux.

     Ce qu’on voit bien ici, c’est que donner le seul « sexe » d’un individu ne suffit pas à expliquer un mécanisme biologique : les risques ne sont pas les mêmes pour toutes les femmes cisgenres. Et on peut aussi, ajoutent les auteurices, s’interroger sur la pertinence de la variable de sexe de manière générale : si ce qui compte comme facteur de risque, c’est le type de stockage des graisses, alors on peut directement observer la façon dont les individus, indépendamment du fait qu’ils sont désignés comme mâles ou comme femelles, stockent les graisses. Ce sera plus précis, et cela évitera de passer par le concept de sexe, qui semble ici faire diversion d’avec un examen clinique simple et précis : où sont stockées les graisses ?

     Évidemment, on peut chercher à investiguer ce qui crée des variations statistiques dans l’état de santé, notamment les variations entre « hommes » et « femmes ». Mais pour les auteurices, les interactions entre dynamiques sociales genrées et différences biologiques entre hommes et femmes en santé cardiovasculaire devraient toujours être explorées comme étant de potentielles origines de ces variations. En effet, les différences biologiques entre hommes et femmes cisgenres étant très variables en fonction des époques, des lieux, des âges, des statuts sociaux, etc., il apparaît comme évident que ces différences ont des causes sociales, dont il convient d’étudier les mécanismes.

     Bien souvent, poursuit l’article, il y a concurrence entre plusieurs hypothèses explicatives des différences en santé entre hommes et femmes cisgenres. C’est le cas pour la question des risques différenciés de développement de maladies cardiovasculaires. Certaines hypothèses s’intéressent seulement à des mécanismes biologiques qui sont observés comme différents chez les hommes et les femmes cisgenres (entre autres, la gestion différenciée du gras et du cholestérol et le rôle du taux de testostérone). Mais d’autres hypothèses posant la question de l’influence directe des comportements sociaux genrés sur la santé cardiovasculaire peuvent être envisagées – que ces hypothèses soient envisagées comme concurrentes ou associées aux précédentes. La nutrition fait partie des facteurs de risques pour la santé cardiovasculaire, et l’on sait que les comportements alimentaires sont genrés : dans certaines cultures, on considère que les hommes doivent être forts et épais, tandis que les femmes doivent être faibles et fines, ce qui tend à provoquer des régimes plus riches en graisses chez les hommes cisgenres que chez les femmes cisgenres.

     Il faut ajouter à cela que si certaines différences biologiques entre hommes et femmes cisgenres sont généralement considérées comme le fait du « sexe », du caractère sexué des individus, la question de la cause première de ces différences ne disparaît pas pour autant. Les causalités biologiques associées aux dynamiques genrées ne sont pas nécessairement directes et simples. En effet, les dynamiques genrées façonnent des dimorphismes et des états de santé qui impactent un grand nombre de traits et de fonctions biologiques. Par exemple, un comportement alimentaire genré n’a pas seulement un impact sur la prise de masse graisseuse. Les chercheuses Shattuck-Heidorn, H., & Richardson, S. S, dans leur article de 2019 “Sex/gender and the biosocial turn” (Shattuck-Heidorn et Richardson 2019), notamment, se sont intéressées à cette question. Elles sont limpides et donnent un bon panorama de la complexité et de l’importance de l’influence du genre sur la biologie individuelle et les états de santé, aussi je vais les citer extensivement :

« La nutrition et les régimes ont des effets biochimiques, notamment sur le métabolisme glucosique, les facteurs immunologiques, les hormones et les neuropeptides. À travers de tels médiateurs, la pression sociale menant à des modifications des comportements alimentaires et des tailles corporelles aura inévitablement des effets sur les trajectoires neurologiques impliquées dans les sensations de faim, de satiété, de récompense, de motivation, mais également des effets, sur la santé mentale, associés à la surveillance de la prise de nourriture et de la taille corporelle. Les régimes visant la perte de poids sont associés à une baisse des scores dans les tests d’évaluation des fonctions cognitives, et même une pratique modérée des régimes chez des sujets en bonne santé a un impact sur les acides aminés du cerveau et la production de sérotonine. »

     Ainsi, on pourrait en venir à suspecter que chaque différence métabolique, morphologique ou encore biologique considérée comme étant le fait du « sexe », est en réalité le produit d’une incorporation du genre.

     D’ailleurs, pour étendre cette perspective, nous pourrions ajouter que le dimorphisme dit « sexuel » est le résultat d’une transmission transgénérationnelle – qu’il soit le fait de la transmission de caractéristiques génétiques ou de marques épigénétiques. Et la sélection de ces caractéristiques et de ces marques n’est, elle non plus, pas exempte d’influences dues au genre. Dans une précédente vidéo (qui fit scandale), j’avais présenté la thèse de la chercheuse Pris Touraille concernant la question du dimorphisme sexuel de taille chez les humains. Selon elle, une hypothèse encore inexplorée en biologie de l’évolution pour expliquer ce dimorphisme consisterait à s’intéresser à la restriction alimentaire qu’auraient longuement subi les femmes dans de nombreuses régions du monde, restriction qui pourrait être à l’origine d’une taille amoindrie. Que cette hypothèse soit explorée un jour ou non n’a, en soi, pas grand intérêt. De toute manière, il n’est pas certain qu’elle puisse l’être, car il faudrait rassembler des preuves difficilement accessibles, et mener ce type d’étude a un coût qui, comparé au bénéfice de répondre à cette question, n’est probablement pas très rentable. Ce qui est intéressant, en revanche, c’est de se dire que peut-être que la plupart de nos traits dits « sexués » pourraient être des traits « genrés », le social s’étant longuement incorporé dans nos biologies.

     Alors, si dans les sciences biomédicales il est impossible de dissocier ce qui tient du genre de ce qui tient du sexe ; si la variable de sexe tend à ne rien expliquer voire à être un raccourci pour ne pas explorer la cause de mécanismes biologiques, on pourrait peut-être envisager sérieusement de se séparer de ce concept flou et qui semble inopérant, même d’un simple point de vue pratique.

     Notez que les articles de Springer et al. et de Shattuck-Heidorn, H., & Richardson, S. S ne l’évacuent pas complètement. Ils s’en tiennent à mettre en garde contre l’usage du concept de « sexe » sans investigation des dynamiques de genre, et montrent à quel point les travaux de sciences biomédicales n’investissent que trop peu la notion de « genre ». Pour ces chercheurs et chercheuses, le genre doit passer au premier plan de la recherche. Springer et al. précisent, d’ailleurs, qu’iels ne s’opposent pas à l’idée qu’il puisse y avoir des distinctions biologiques entre mâles et femelles, et que leur argument consiste à dire que la plupart des différences en santé entre mâles et femelles sont dues à des phénomènes indistinctement biologiques et sociaux – de sexe et de genre, ou plutôt de « sexe/genre », ainsi qu’iels le formulent.

     Cependant, si l’on fait un pas supplémentaire en reprenant les critiques de la bicatégorisation mâles/femelles que l’on avait évoquées dans le premier audio, et qu’on les conjugue avec l’idée que la variable de « sexe » est à la fois inséparable de celle de « genre », inutile et source de confusion, le dossier du concept de « sexe » commence à être plutôt lourd. On pourrait donc envisager de plaider pour son abandon, au profit d’une pluralité de variables biologiques, de mécanismes précis et distincts.

Segment 2/2 : Oui, mais la reproduction, dans tout ça ?

     Vous aurez peut-être une objection : oui, mais les sciences biomédicales qui s’intéressent, précisément, à la santé reproductive, elles sont bien face au phénomène du sexe, face à des individus mâles et femelles en ce qu’iels participent de manière complémentaire à la reproduction sexuelle ! Est-ce qu’à cet endroit, utiliser le concept de « sexe » ne serait pas indispensable ? D’ailleurs, il y a bien des spécialités médicales distinctes : pour les femelles humaines, la gynécologie, pour les mâles humains… hem. Vous êtes sûrs que vous savez ce qu’il y a comme spécialité, pour les mâles humains ? Ok, il y a l’andrologie. Mais en réalité, vous en aviez déjà entendu parler ? Vous avez des connaissances qui vont chez… l’andrologue ? Explorons ensemble ce déséquilibre dans la bicatégorisation de sexe, pile à l’endroit où tout est censé être vraiment très binaire.

     Dans son ouvrage GUYnecology, la sociologue Rene Almeling (Almeling 2020) retrace les aléas de la création de spécialités médicales dédiées au corps du mâle humain en tant qu’il est reproducteur. Au XIXe siècle, au moment de l’émergence des différentes spécialités médicales, une spécialité portant sur les organes reproducteurs et le corps reproductif a émergé à travers la gynécologie et l’obstétrique. Seul le corps humain « femelle » a été considéré comme nécessitant la création d’une spécialité concernant la reproduction. Quelques médecins ont bien tenté de fonder une spécialité correspondante pour le corps humain « mâle », spécialité qu’ils ont nommée « andrologie ». Mais ça ne s’est pas très bien passé. En gros, presque tous les autres médecins se payaient leur tête, parce qu’il ne leur paraissait pas pertinent de créer une spécialité de l’appareil reproducteur du mâle humain. Si l’appareil reproducteur femelle avait un impact important sur le corps et la santé des femmes et de leurs enfants, il n’en allait pas de même, pensait-on alors, pour l’appareil reproducteur mâle.

     Mais, au-delà de ces préjugés misogynes réduisant les femmes à la reproduction, les débats autour de l’andrologie ont été alimentés par des problématiques de justification de l’émergence de cette spécialité médicale et de définition de son objet. En effet, si l’andrologie devait se constituer en parallèle à la gynécologie, alors elle devait se spécialiser sur l’appareil génital et le corps des mâles en tant que reproducteur. Vous n’aurez probablement pas manqué de noter que l’appareil génital des mâles humains a aussi des fonctions urinaires. Mêmes organes externes, double fonction. Vous pouvez donc avoir deux types de problèmes dans les mêmes organes : des problèmes de santé sexuelle et reproductive, et des problèmes urinaires.

     Du côté de la santé sexuelle des hommes, au XIXe siècle, elle concernait seulement les maladies dites « vénériennes », c’est-à-dire les maladies sexuellement transmissibles. Ça n’avait pas vraiment à voir avec la santé reproductive à proprement parler : la question n’était pas de savoir si vous étiez en mesure de procréer, et encore moins de bien procréer. Et les maladies vénériennes affectent non pas seulement les parties génitales, mais également le système urinaire, et elles ne sont pas propres aux hommes – même si en fonction des organes reproducteurs que vous possédez, les symptômes varient.

     Quant à ce qui concerne les problèmes urinaires à proprement parler, il y avait déjà la spécialité de l’urologie. Bon, mais les femmes aussi ont des problèmes urinaires, donc ça n’est pas une spécialité pour les hommes. Et puis de toute façon ça ne concerne pas la reproduction, même si les organes étudiés sont les organes reproducteurs dans d’autres contextes.

     Bref, cette histoire de fonder une spécialité médicale dédiée à l’appareil reproducteur des mâles humains n’allait pas de soi, au XIXe siècle : il était trop mélangé à d’autres fonctions biologiques. Et comme il y avait aussi une bonne couche de sexisme par-dessus, le projet est tombé à l’eau.

     C’est seulement à partir des années 1970 que des études consacrées à la santé reproductive dite « masculine » ont commencé à être plus abondantes et à se rassembler autour de spécialités. Bien sûr, il y en a toujours significativement moins, en comparaison de la recherche sur la santé reproductive dite « féminine ». Je ne ferai pas ici l’histoire de l’essor de cet intérêt pour la santé des « pères », bien qu’elle soit passionnante. Mais ce détour via la question de la santé reproductive montre à quel point la question du corps sexué est complexe, et elle le reste aujourd’hui encore – et ce jusque dans ce qu’on considère comme le cœur du phénomène de la reproduction, et donc par conséquent le point nodal du sexe biologique.

     À la fin de son ouvrage, Rene Almeling pose la question de l’avenir des spécialités médicales concernant les corps en tant qu’ils sont des corps reproducteurs. Si l’on veut améliorer la prise en charge santé reproductive dite « masculine », si l’on veut éviter que les femmes cisgenres soient, encore et toujours, blâmées pour la santé de leurs enfants et donc pour la santé du corps social dans son ensemble, une question se pose. Faut-il encourager l’installation de la spécialité de l’andrologie, développer la profession médicale des andrologues pour qu’ils soient fréquentés de la même manière que les gynécologues ?

     Pour Almeling, rien n’est moins sûr, car l’émergence d’une spécialité médicale dédiée à la « santé reproductive des hommes » risquerait de

« renforcer la croyance culturelle selon laquelle les humains peuvent être catégorisés comme étant l’un des deux sexes, mâle ou femelle, ceux-ci étant complètement séparés et opposés. »

     C’est pourquoi elle encourage, plutôt que le déploiement d’une andrologie, le déploiement d’une « santé reproductive » ou d’une « médecine reproductive » plus neutre d’un point de vue du genre. Elle précise que de tels termes et une telle organisation permettrait de traiter sans discrimination tous les corps comme reproductifs, avec leurs spécificités, et en évitant tout essentialisme biologique.

     Ainsi, même dans l’étude de la reproduction humaine et dans les pratiques de soin qui l’entourent, l’horizon d’une fin de l’utilisation du concept de « sexe » et de sa bicatégorisation semble enviable.

Récapitulons

     Nous arrivons à présent au terme de ce long parcours, qui n’est en réalité qu’un point de départ. Nous avons rapidement abordé la notion de « sexe » en biologie et abordé la critique de la bicatégorisation mâles/femelles – ses limites et ses risques. Nous avons ensuite exploré les thèses défendant la nécessité, au moins pratique, comme outils exploratoire, de distinguer la notion de sexe de celle de genre, afin de montrer comment deux types de causalité distinctes en viennent à s’entremêler. Nous avons vu que ce tissage sexe/genre est, de l’aveu de ces auteurices, très serré, que le phénomène du sexe se saisit toujours en contexte et se laisse difficilement circonscrire, délimiter dans le corps. Enfin, en tirant parti d’études qui mettent en garde sur la faible utilité du concept de sexe et insistent sur l’impossibilité de réellement distinguer les phénomènes dus au genre de ceux dus au « sexe », j’ai proposé que, peut-être, nous pourrions envisager de renoncer à ce concept.

     Notez – car je sais que certains·es trouveront cette idée trop audacieuse – que la proposition que je formule n’est pas une affirmation péremptoire, mais un geste exploratoire. Et si nous tirions de cette petite plongée dans la littérature sur le sexe et le genre dans les sciences biomédicale, des indices et des arguments pour explorer un possible abandon du concept de sexe ? Bien sûr, le parcours que j’ai proposé n’est pas suffisant : il faudrait faire une revue de littérature digne de ce nom dans divers domaines des sciences biomédicales, recenser consciencieusement la pluralité des usages du concept de « sexe », observer les travaux qui se passent de ce concept, concentrent leurs efforts sur le genre et proposent de nouvelles variables, de nouveaux concepts plus précis que celui de « sexe » pour désigner des phénomènes biologiques. Bref, il faudrait faire un travail de recherche, probablement étalé sur plusieurs années. Mais c’est une piste qui m’a semblé intéressante et stimulante, et j’espère qu’elle sera explorée par d’autres chercheurs et chercheuses dans les années à venir.

Outro

     J’espère que malgré ses limites évidentes, ce petit ensemble d’audios aura au moins suscité un intérêt pour cette question, pour ces perspectives de renouvellement des méthodes de recherche en biomédecine et en santé publique. Vous êtes bien sûr invitæs, si vous le souhaitez, à poser vos questions ou à expliciter vos objections en commentaire, quoique ces derniers mois je n’aie pas pu prendre le temps de répondre. Comme d’habitude, la bibliographie se trouve en barre d’info, pour plus de détails.

     En parlant de temps… Je vous disais, en introduction à cette série, que j’embauchais sur un temps plein et que je manquais de temps pour la chaîne. Évidemment, j’aimerais continuer à produire des vidéos, ou à défaut d’autres formats, mais je ne peux rien annoncer ni promettre. Mon mot d’ordre, c’est : on verra. Je vous remercie, donc, d’avoir été là pendant les années de pleine activité de Game of Hearth, et vous dis : « à une prochaine fois, peut-être ! ».

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